A peine plus de cent. Selon une
enquête réalisée par La Croix, à
partir des chiffres donnés par l’ensemble
des diocèses, 105 prêtres ont ou seront
ordonnés pour l’année 2005.
Ce chiffre confirme la tendance à la lente
diminution des ordinations presbytérales
depuis vingt ans, après un léger mieux en
2000 (145 ordinations cette année-là). Dans
les années 1950, plus de mille prêtres
étaient ordonnés chaque année. Les entrées
aux séminaires ne sont guère plus
encourageantes : en dix ans, elles ont chuté
de moitié. Aujourd’hui, l’Église compte
13.510 prêtres en activité. Mais 3 637
seulement ont moins de 55 ans, et dans dix
ans, certains diocèses devront fonctionner
avec moins de dix prêtres...
Va-t-on vers une Église sans prêtres ? Pour
le P. Robert Scholtus, secrétaire du Conseil
national des grands
séminaires et directeur du séminaire des
Carmes, à Paris, le problème n’est pas là :
«La question de fond, c’est celle des
communautés chrétiennes, c’est ce nombre-là,
celui des fidèles qui diminue,
explique-t-il. Si on calculait le rapport
entre le nombre de pratiquants et de
prêtres, on serait bon. Le travail des
nouvelles générations de prêtres, c’est
justement de constituer des communautés
solides.»
Sur le territoire, la baisse est
sensible partout. Mais les grandes villes
universitaires, où les jeunes sont plus
nombreux, restent logiquement avantagées :
Paris (mais la capitale ordonnait en 2002 17
jeunes séminaristes, et cette année, 11
seulement), Strasbourg, Toulouse, Nantes,
Évry. À une exception, et de taille : Lyon,
où aucun prêtre ne sera ordonné cette année.
Les vocations sont une priorité du cardinal
Philippe Barbarin qui vient de prendre des
décisions lourdes visant à regrouper les
deux séminaires (universitaire et
Saint-Irénée) sur un seul lieu, pour
rationaliser la formation, et lui donner
plus de visibilité.
Ces nouveaux prêtres, qui arrivent sans
complexe dans une Église minoritaire depuis
de longues années déjà, vont être choyés par
leurs paroissiens. Il a déjà fallu «des
efforts considérables», comme le rappelle le
P. Scholtus, pour leur permettre d’envisager
cette vocation : «On a mis en place des
lieux spécifiques pour attirer les jeunes,
une année propédeutique [de discernement]
par laquelle ils passent presque tous.» Et
l’enseignement s’est adapté aux nouveaux
profils. S’ils sont la plupart du temps
issus de familles «unies, profondément
chrétiennes, et souvent nombreuses», ils
entendent l’appel beaucoup plus tard.
«Aujourd’hui, tous ceux qui entrent en
séminaire ont un métier ou de longues
études. Il est difficilement concevable de
commencer à 17 ans, comme il y a trente
ans», note le P. Scholtus. Certains
séminaires diocésains ont dû fermer faute
d’étudiants : celui de Bayonne par exemple,
il y a un mois. Mais
paradoxalement, d’autres rouvrent : ainsi à
Nice. «On observe deux tendances, expose le
P. Scholtus, les regroupements,
inéluctables, et les réouvertures, dont le
but est de donner plus de visibilités à des
lieux proches des diocèses, et de susciter
des vocations.»
Dans tous ces séminaires aujourd’hui,
continue le P. Scholtus, «on est soucieux de
la maturité affective des étudiants, de leur
équilibre psychologique. Il y a des
fragilités qui n’existaient pas avant.
Certains sont un peu des "autodidactes de la
foi", ou l’ont redécouverte après une
coupure pendant l’adolescence». Mais
l’orientation générale de l’enseignement –
«former des hommes libres, capables de
s’engager librement» – n’a pas changé.
L’exigence non plus : «Il s’agit de former
les prêtres dont l’Église a besoin, pas de
faire du chiffre», insiste le P. Scholtus.
Cette exigence a un prix : aujourd’hui, un
candidat sur deux quitte le séminaire sans
avoir été ordonné. Le «métier», en revanche,
a beaucoup évolué, relève le secrétaire :
«Être prêtre aujourd’hui, ce n’est plus un
travail d’autorité, mais de collaboration
avec d’autres, les laïcs engagés dans les
paroisses.»
Site du journal de la Croix
La
Croix du 29.6.2005
Guillaume BAROU avec Isabelle de GAULM |