À la découverte des Pères de l’Église

Aux premiers siècles chrétiens, des évêques et théologiens ont posé les bases de la pensée chrétienne, au point d’être considérés comme « pères » dans la foi chrétienne.

Que désigne l’expression Pères de l’Église ?
Sous le nom de Pères de l’Église, on désigne une série d’écrivains des premiers siècles chrétiens dont l’enseignement a été reconnu par l’Église. Souvent évêques, mais pas toujours, ces écrivains ont posé les bases du christianisme en développant l’enseignement reçu des Apôtres. On leur doit, en effet, tout autant la mise en place du canon des Écritures et les premières méthodes d’exégèse que l’explication – voire l’élaboration – de concepts comme la Trinité, l’Incarnation, mais aussi l’organisation de la liturgie, le développement des sacrements, les premiers principes de catéchèse… « Ils sont en même temps les Pères de l’Église et nos pères dans la foi », expliquait en 2002 à La Croix Mgr Claude Dagens, évêque d’Angoulême.
Pour le P. Luc Fritz, assomptionniste qui a enseigné la patrologie à l’Université catholique de Paris, quatre critères permettent de reconnaître un Père de l’Église : l’antiquité, la sainteté, l’orthodoxie et la reconnaissance de l’enseignement par l’Église. Un Père de l’Église doit appartenir aux premiers siècles chrétiens : traditionnellement, le dernier Père pour l’Orient est saint Jean Damascène (975-749), et pour l’Occident saint Isidore de Séville (v. 560-636). Cet écrivain doit ensuite être reconnu pour la sainteté de sa vie, même s’il ne s’agissait pas, à l’époque, d’une canonisation en bonne et due forme.
Ensuite, son enseignement doit être conforme à l’enseignement de l’Église mais aussi avoir reçu l’approbation de celle-ci, ce qui se vérifie par son utilisation dans les textes officiels. « Si une de ces trois conditions n’est pas remplie, on parle d’écrivain ecclésiastique », explique le P. Fritz. Écrivains, théologiens, les Pères de l’Église étaient bien souvent des pasteurs qui sentaient les difficultés des fidèles à comprendre la foi. « C’est dans la méditation de la Parole de Dieu qu’ils approfondissent leur connaissance du Christ et qu’ils risquent une parole inédite au sujet du mystère de la piété, explique Luc Fritz. Parole tout à la fois fidèle à la Tradition et novatrice, cherchant avec retenue et modestie à exprimer de manière toujours plus précise la foi apostolique. »

Qui sont les Pères de l’Église ?

Il n’y a pas de liste officielle des Pères de l’Église, dont l’histoire se déploie sur plusieurs siècles : il y a ainsi autant de temps entre saint Jean Damascène et saint Clément de Rome, l’un des tout premiers, qu’entre notre époque et le procès de Jeanne d’Arc ! C’est pourquoi les spécialistes des Pères de l’Église les ont classés en trois périodes délimitées par les conciles de Nicée (325) et de Chalcédoine (451).
Dans la première période, celle des Pères anté-nicéens, ceux-ci sont habituellement classés en fonction de leur siècle. Jusqu’à la fin du Ier siècle, on parlera ainsi des Pères apostoliques, car ceux-ci ont connu directement les Apôtres dont ils ont recueilli l’enseignement. Parmi eux, on trouve saint Clément de Rome (un des premiers papes), saint Ignace d’Antioche, saint Polycarpe de Smyrne (disciple de saint Jean)…
                                                                                                                                                  

Écrivains, théologiens, les Pères de l’Église
étaient bien souvent des pasteurs
qui sentaient les difficultés des fidèles à comprendre la foi.


Au II° siècle, les Pères apologistes (comme saint Justin) qui se sont donné pour mission de défendre le christianisme devant leurs contemporains, tandis que d’autres cherchent plutôt à préserver la foi contre les premières hérésies, notamment la gnose (comme saint Irénée de Lyon, disciple de Polycarpe). Au III° siècle, on assiste déjà à un véritable approfondissement de la pensée chrétienne autour de l’école d’Alexandrie (saint Clément d’Alexandrie, Origène…), tandis qu’en Occident on abandonne progressivement le grec pour le latin.
Avec le concile de Nicée débute ce qu’on a appelé « l’âge d’or de la patristique », au cours duquel des Pères comme saint Hilaire de Poitiers, saint Basile de Césarée, ou saint Augustin se lancent avec passion dans les grandes questions théologiques de leur temps… Après 451 et le concile de Chalcédoine, qui clôt les grandes querelles théologiques autour de la personne du Christ, les Pères vont plus se consacrer à l’étude de l’héritage passé, discutant de questions déjà plus techniques : c’est la fin de l’âge patristique…

À quoi servent les Pères de l’Église ?

Plus de mille ans après la mort du dernier d’entre eux, on peut se demander si ces théologiens du premier millénaire sont encore pertinents pour l’Église. « Bien sûr qu’ils sont toujours actuels et pertinents ! répond le P. Luc Fritz. Ils se sont posé les mêmes questions que nous : le Christ est-il vraiment ressuscité ? Était-il vraiment homme ? Était-il vraiment Dieu ? Qu’est-ce que le Saint-Esprit ? Le baptême sauve-t-il ?… »
S’ils y ont répondu avec les outils intellectuels de leur temps, leur cheminement reste toujours actuel. Et plus encore leur manière de dialoguer avec la culture de leur époque, comme l’expliquait en 2002 le P. Dominique Bertrand, ancien directeur de la collection « Sources chrétiennes ». « Comme au temps de l’Empire romain se convertissant au christianisme, disait-il à
La Croix, nous sommes dans une société où il n’y a plus de consensus. Dans ce moment où l’Église n’est plus majoritaire, les Pères peuvent nous aider à retrouver la capacité d’exprimer la vérité. »
                                                                                      
              
La Croix du 6 et 7.1.2007                                                                                                                             NICOLAS SENÈZE

Pères grecs, Pères latins

On distingue parfois les Pères de l’Église en fonction de la langue dans laquelle ils écrivaient. Au départ, ils s’exprimaient exclusivement en grec, langue commune à l’est du bassin méditerranéen d’où étaient originaires les premiers chrétiens. À partir du milieu du II e siècle, sous l’influence des Pères venus d’Afrique du Nord, le latin s’est peu à peu imposé dans la partie occidentale de l’Empire romain.

Lire les Pères de l’Église


 Sources chrétiennes
La collection lancée en 1942 par les jésuites (Jean Daniélou, Henri de Lubac, etc.) reste la plus grande en matière d’édition et de traduction des Pères de l’Église. Animée par l’Institut des Sources chrétiennes, à Lyon, et édité par le Cerf, elle vient de fêter son 500 volume avec la publication de L’Unité de l’Église, de saint Cyprien de Carthage.
Site Internet : ­ chretiennes.mom.fr

 La Bibliothèque augustinienne
Animée par l’Institut d’études augustiniennes (créé par les assomptionnistes, aujourd’hui confié à l’Institut catholique de Paris et à la Sorbonne), elle publie, chez Brépols, les textes annotés et traduits des œuvres de saint Augustin.

 La revue Connaissance des Pères de l’Église
Fondée en 1981, elle propose dans chaque numéro un dossier complet autour d’un Père, d’une région, d’un thème ou d’un genre littéraire. Dans l’esprit des Cahiers Évangile pour la Bible, elle s’adresse à ceux qui commencent à s’intéresser aux Pères de l’Église, à ceux qui ont déjà une première initiation historique ou doctrinale et à ceux qui souhaitent se spécialiser.
Site Internet : www.nouvellecite.fr

Les Pères de l’Église sur Internet

 
Animé par le P. Luc Fritz, assomptionniste et spécialiste de patristique, ce site veut faire découvrir les Pères de l’Église en mettant une information de qualité à la disposition du public. Outre un cours d’introduction, il propose de nombreux textes des Pères en français.

 
Animé par Marie-Christine Hazaël-Massieux, professeur à l’Université de Provence, ce site propose une bonne introduction aux Pères. Il se consacre ensuite plus spécifiquement à la figure de saint Augustin.