Les sept dernières paroles du Christ

Le récit de la passion du Christ selon saint Jean, lu le Vendredi saint, rapporte trois des dernières paroles de Jésus. Selon les Évangiles, Jésus a prononcé sur la croix sept paroles

Comment connaît-on les sept dernières paroles du Christ ?

Ces paroles entendues, mémorisées, notées par les premiers disciples figurent dans les récits évangéliques de la Passion de Jésus-Christ. Saint Luc rapporte trois de ces paroles. Jean en donne trois autres. Marc et Matthieu ont retenu la quatrième. Divers auteurs ont tissé ensemble les quatre Évangiles pour en faire un récit de la vie de Jésus. Les dernières paroles de Jésus sur la croix ont ainsi été regroupées. Commentées par saint Bonaventure (1221-1274), elles ont été popularisées par les franciscains. Elles ont joué un rôle particulièrement important dans la piété médiévale. Elles sont aujourd’hui encore un sujet de méditation et peuvent soutenir ceux qui affrontent l’échec, l’abandon, le silence et la mort.

Quel sens leur donner ?


> La première parole du Christ
en croix se trouve dans saint Luc. Elle commence avec le mot Père. Jésus supplie le Père pour ceux qui le crucifient et pour tous les hommes «qui ne savent pas ce qu’ils font», dont le péché et les trahisons sont une blessure et une offense faites à Dieu, et à eux-mêmes. Sur la croix, explique le théologien franciscain Michel Hubaut, « le Christ est l’incarnation, le visage du pardon de Dieu dont il dévoile la profondeur infinie » . Les Actes des Apôtres rapportent que le diacre Étienne, « ayant fléchi les genoux, cria d’une voix forte : Seigneur, ne leur impute pas ce péché» (Actes 7, 60). À sa suite, les disciples de Jésus vont ainsi répondre à la haine par l’amour.

> La deuxième parole de Jésus
se trouve, elle aussi, dans saint Luc. L’un des deux malfaiteurs conduits et crucifiés au Calvaire lance à Jésus: «N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même. » L’autre – la Tradition parle à son sujet de « bon larron » – le reprend, tourne son visage vers Jésus et demande :
« Jésus, souviens-toi de moi quand tu entreras en ton Royaume. »
En Jésus humilié, attaché à la croix, il reconnaît un juste, le roi d’un royaume de justice, d’amour et de paix, et il le confesse ouvertement. Alors vient la réponse de Jésus qui, lui ayant pardonné, lui promet le paradis – « c’est-à-dire, écrit le dominicain Marie-Joseph Le Guillou, la plénitude de son Amour » . « Il y a trois hommes en croix, résume saint Augustin : un qui donne le salut, un qui le reçoit, un qui le méprise. »

> Saint Jean rapporte la troisième parole.
Au pied de la croix se tenait sa mère, et auprès d’elle, le disciple qu’il aimait. Ses adversaires ont triomphé, Judas l’a trahi, Pierre l’a renié et la plupart des disciples se sont enfuis. Il ne dit pas « mère » . Il dit «femme», comme il l’avait fait déjà lors des noces de Cana (Jn 2, 1-11), pour marquer que c’est en Fils de Dieu qu’il va l’exaucer, changer l’eau en vin, et dès lors inaugurer sa vie publique. Sur la croix, il la constitue Mère de Jean et, à travers lui, de tous les disciples du Christ, qui deviennent frères. Une communauté renaît ainsi au pied de la croix. Une Église naît.

> Saint Marc et saint Matthieu font le même récit de la quatrième parole.
À la sixième heure, c’est-à-dire à midi, l’obscurité se fit sur la terre. À la neuvième heure, Jésus poussa un grand cri. Il ne dit plus Père, comme à Gethsémani – «Père, éloigne de moi cette coupe » (Lc 22, 43) – ou comme au temps de la première de ses dernières paroles. Ses mots de détresse sont ceux du début du psaume 22, jaillis du cœur du psalmiste au commencement d’un chant d’espérance. Jésus reprend ce cri et se l’approprie. L’expérience de l’absence de Dieu est ainsi, d’une certaine manière, assumée au cœur de la vie de Dieu.

> Saint Jean seul donne la cinquième parole.
Il s’agit de la seule parole qui manifeste directement sa souffrance physique. Au tout début de l’Évangile de Jean, Jésus rencontre la Samaritaine au puits et lui dit : « Donne-moi de l’eau », avant qu’elle-même, après un dialogue d’une grande intensité, demande à son tour : « Seigneur, donne-moi cette eau… » (Jn 4,7-15). Avant de mourir, Jésus demande à nouveau qu’on étanche sa soif. Dieu a soif de l’amour fragile et insuffisant de l’homme. L’homme a soif de Dieu, comme l’exprime le psaume 63 : « Dieu, c’est toi mon Dieu que je cherche, mon âme a soif de toi, terre aride, altérée, sans eau »
(Ps 63, 2).

> Dans le psaume 69, le juste persécuté avait dit prophétiquement: «Dans ma soif, ils m’ont abreuvé de vinaigre» (Ps 69, 20­22). Jésus a accepté le vin aigre qui était l’ordinaire des soldats. La sixième parole « Tout est accompli »
(Jn 19, 30) signifie peut-être que la prophétie concernant l’œuvre de Jésus est réalisée, mais plus profondément, que le dessein même de Dieu est accompli. Jésus n’est pas venu pour accomplir les prophéties mais pour faire la volonté de son Père. À Gethsémani, après avoir demandé : « Abba, éloigne de moi cette coupe », il ajoute : « Pourtant, pas ce que je veux, mais ce que tu veux » (Mc 14, 36).

> La dernière parole est conservée par saint Luc.
Jésus l’adresse – comme la première – au Père. Ses mots sont ceux du psaume 31 (5-6). Cependant, à l’inverse du psalmiste, Jésus ne demande pas à Dieu de lui éviter la mort. Il l’affronte. Et au moment de quitter sa vie humaine, il confie son esprit à son Père à qui il avait dit auparavant : « Et maintenant, Père, glorifie moi auprès de toi, de la gloire que j’avais auprès de toi avant que fût le monde » (Jn 17, 5).
Selon Luc, c’est en prononçant cette septième parole que Jésus expire. Marc et Matthieu parlent seulement d’un grand cri. Saint Jean écrit que Jésus incline la tête et donne son esprit. C’est l’heure du silence. Mais la foi dans la Résurrection dit qu’à Pâques, Jésus, le crucifié, est ressuscité d’entre les morts. La Parole n’est pas réduite au silence. Elle continue d’être entendue et de s’incarner dans l’infinie variété des personnes.
                                                                                                                                                                                            MARTINE DE SAUTO

 

Des paroles qui ont nourri la méditation et la prière de générations de chrétiens.
> Charles Journet, théologien suisse, créé cardinal par Paul VI, mort en 1975, a publié en 1952 Les Sept Paroles du Christ en croix
(Seuil, coll. « Livre de vie », 180 p., 6,50 €). « Les Sept Paroles de Jésus en croix font entrer dans le drame d’un Dieu crucifié pour le monde. Chacune d’elles découvre un aspect de ce mystère unique, passant toute parole, capable d’illuminer toutes les agonies des hommes et des peuples, écrit-il.
Le drame qu’elles contiennent se trouvait annoncé dans les sept béatitudes du Sermon sur la Montagne, culminant dans la huitième, celle des persécutés pour la justice. (…) On peut hésiter sur la manière de les rassembler. Pourtant un ordre intérieur les enchaîne : l’ordre du déroulement de la passion rédemptrice. (…) Les sept paroles sont les étapes de son approche de la mort. Elles donnent une voix à la douleur finale du Christ. Elles nous entrouvrent ce mystère. Ce qui est drame effrayant devient par elles un enseignement. »

> Timothy Radcliffe, ancien maître de l’ordre dominicain, a publié Les Sept Dernières Paroles du Christ  (Cerf, 119 p., 15 €). « Les sept dernières paroles du Christ sur la croix nous promettent le pardon pour les violences que nous avons commises, le paradis quand tout semblait perdu, le rétablissement de la communion brisée , écrit-il. Elles viennent jusqu'a nous au plus profond de notre désolation et nous montrent notre Dieu mendiant de nous un présent ; elles nous invitent à nous ouvrir à la perfection de l’amour et nous promettent le repos. »

> Pedro Arrupe, supérieur général de la Compagnie de Jésus de 1965 à 1981, dans un texte de 1977 intitulé « Les Sept Paroles du Christ vivant » publié dans La Iglesia de hoy y del futuro (Éd. Mensajero), écrit : « Cette force du Christ qui pardonne, qui est seul, qui a soif, qui recueille le Bon Larron, qui nous conduit au Père, n’est pas quelque chose de figé à l’encre dans un illustre livre. Tous ceux d’entre nous qui croient ont cette force, à condition de savoir nous aussi calquer notre vie sur celle de Jésus. »

> Les sept dernières paroles du Christ ont inspiré de nombreux compositeurs. Citons notamment : Heinrich Schütz (1585-1672), Joseph Haydn (1732-1809), Charles Gounod (1818-1893), César Franck (1822-1890).
 

         Site du journal de la Croix                                                                                                                                         la Croix du 15.03.2008