Les chrétiens d’Orient

On recense dans le monde environ 200 millions de chrétiens dits « d’Orient », très majoritairement catholiques ou orthodoxes. Ces Églises sont nées au gré des querelles conciliaires qui ont émaillé l’histoire

Quelle est l’origine des chrétiens d’Orient ?
Les Églises d’Orient sont issues des grandes querelles autour de la définition de la nature du Christ, qui ont divisé l’Église tout au long de l’Antiquité chrétienne. Au début du Ve siècle, l’évêque Nestorius de Constantinople (v. 382-451) s’oppose à ce que Marie soit qualifiée de Mère de Dieu
( Theotokos ), préférant le titre de Mère du Christ ( Christotokos ): selon lui, en effet, il faut dissocier, dans la personne du Christ, les natures humaine et divine. Cette doctrine, dite «nestorianisme», sera condamnée en 431 par le concile d’Éphèse: «Si quelqu’un ne confesse pas que l’Emmanuel est Dieu en vérité et que pour cette raison la Sainte Vierge est Mère de Dieu (car elle a engendré charnellement le Verbe de Dieu fait chair), qu’il soit anathème.» Refusant ces conclusions, l’Église assyrienne, qui rassemble les chrétiens vivant en Mésopotamie, se sépare de Byzance.
Quelques années plus tard, Eutychès (v. 378-454), moine à Constantinople, développe à l’inverse une doctrine affirmant que la nature divine du Christ a absorbé sa nature humaine. Ce « monophysisme » (de monos , « unique », et physis , « nature ») est condamné au concile de Chalcédoine (451) qui confesse « un seul et même Christ, Fils, Seigneur, l’unique engendré, reconnu en deux natures, sans confusion, sans changement, sans division, sans séparation, la différence des natures n’étant nullement supprimée à cause de l’union, la propriété de l’une et de l’autre nature étant bien plutôt sauvegardée et concourant à une seule personne » . Les Églises d’Égypte et de Syrie refusent cette définition ; rompant à leur tour avec Byzance, elles forment les Églises copte-orthodoxe et syrienne-orthodoxe. Par ailleurs, aux synodes de Dvin (506 et 551), l’Église arménienne, qui était absente de Chalcédoine, en rejettera les conclusions, estimant que ce concile n’allait pas assez loin dans sa condamnation du monophysisme. Toutes ces Égli­ses, séparées aux conciles d’Éphèse et de Chalcédoine, sont dites « préchalcédoniennes ».


Pourquoi la séparation entre Rome et Byzance ?
Les conciles de Nicée (325) et de Constantinople (381), qui ont fixé le Credo, avaient défini la foi dans « l’Esprit saint (qui) procède du Père » . En 589, le concile local de Tolède modifia cette définition et enseigna que « l’Esprit procède du Père et du Fils» . Cet ajout de « et du Fils » (en latin : Filioque ) se généralisera dans l’Église latine au IXe siècle avant de servir de prétexte aux Carolingiens (qui disputent aux Byzantins l’héritage de l’Empire romain) pour mettre en doute l’orthodoxie doctrinale de Constantinople. En 867, le patriarche Photios de Constantinople dénonce l’adjonction du « Filioque » comme « blasphème » . La rupture sera définitive au XIe siècle, lorsqu'’en 1054 le cardinal Humbert de Silva Candida, légat de Léon IX, part à Constantinople et y excommunie le patriarche Michel Cérulaire (alors que le pape était mort dans l’intervalle). Le sac de Constantinople par les Croisés en 1204 ruinera pour longtemps toute chance de réconciliation.


Pourquoi des Églises orientales sont-elles unies à Rome ?
À partir du XV
e siècle, des tentatives ont lieu pour réunir Églises d’Orient et d’Occident. En 1439, le concile de Ferrare-Florence adoptera une union entre latins et orthodoxes que ces derniers dénoncent ensuite, invoquant un chantage à l’aide militaire au moment où Constantinople est menacée par les Turcs. Dans les siècles suivants, sous l’influence des missionnaires latins au Proche-Orient et dans les pays slaves, des parts plus ou moins importantes des Églises orientales vont s’unir à Rome, sur la base de ce qui avait été décidé à Florence.
En 1646, à Uzhgorod (aujourd’hui en Ukraine), des évêques ruthènes s’unissent ainsi à Rome pour former une Église catholique conservant le rite byzantin. En 1724, des évêques orthodoxes du Proche-Orient forment l’Église grecque-catholique (dite melkite). L’Église arménienne-catholique naît en 1740, et l’Église syrienne-catholique en 1783. Le mouvement continuera au XIXe siècle avec l’établissement d’un Patriarcat copte-catholique en 1824 et l’union d’une partie de l’Église assyrienne en 1830, devenue l’Église chaldéenne (présente principalement en Irak). De son côté, l’Église maronite (présente en majorité au Liban) a toujours proclamé ne s’être jamais séparée de Rome.
Si la plupart de ces Églises ont conservé leur rite et leurs traditions et bénéficient d’une certaine autonomie par rapport à Rome, ces unions restent une blessure pour les Églises dont elles sont issues. D’autant qu’elles ont parfois été forcées par le pouvoir politique. En 1993, à Balamand (Liban), catholiques et orthodoxes sont convenus que « cette forme “d’apostolat missionnaire” (…) qui a été appelée “uniatisme”, ne peut plus être acceptée ni en tant que méthode à suivre, ni en tant que modèle de l’unité recherchée par nos Églises » .
NICOLAS SENÈZE

 

      Les différents rites des Églises orientales

Rite alexandrin
> La principale Église orientale de rite alexandrin est l’Église copte orthodoxe (8 à 10 millions de fidèles), dont le siège est à Alexandrie. En sont issues l’Église éthiopienne orthodoxe (née en 1959) et l’Église érythréenne-orthodoxe (1993). Une Église copte-catholique a vu le jour en 1741 (250 000 fidèles) et une Église éthiopienne-catholique en 1622 (1 million de fidèles).

Rite arménien
> Séparée en 451, l’Église arménienne apostolique (dite aussi grégorienne) compte actuellement 6 millions de fidèles. Elle est dirigée par deux catholicos, l’un d’Etchmiadzine (Arménie), l’autre de Cilicie siégeant à Antélias (Liban). Une Église arménienne-catholique (600 000 fidèles) a vu le jour en 1742, dont le patriarche siège à Beyrouth (Liban).
 

Rite byzantin
> Le rite byzantin est quant à lui commun à la quinzaine d’Églises orthodoxes qui toutes reconnaissent une primauté d’honneur au patriarche œcuménique de Constantinople. Il y a aujourd’hui entre 125 et 180 millions d’orthodoxes dans le monde.

> Il existe plusieurs Églises catholiques de rite byzantin, dites « uniates », dont les plus importantes sont l’Église grecque catholique d’Ukraine (7 millions de fidèles, siège à Kiev), l’Église gréco-catholique de Roumanie (1,7 million de fidèle, siège à Blaj), l’Église melkite (1,3 million de fidèles, siège à Damas).

Rite syrien occidental (antiochien)
> La principale Église de rite syrien occidental est l’Église syrienne-orthodoxe (dite jacobite ou, improprement, « syriaque ») qui compte 250 000 fidèles et dont le siège est à Damas.

> En 1665, des fidèles de l’Église malabare-catholique (lire ci-dessous) , refusant la latinisation forcée de leur Église, sont entrés dans la communion de l’Église syrienne pour former l’Église malankare-orthodoxe (1,7 million de fidèles). Une partie de ses fidèles est revenue à Rome en 1930 pour former l’Église malankare catholique (270 000 fidèles).

> Il existe également une Église syrienne-catholique, forte de 100 000 fidèles, unie à Rome en 1797 (siège à Damas). L’Église maronite (4 millions de fidèles), qui n’a jamais été formellement coupée de Rome, relève, elle aussi, du rite antiochien.

Rite syrien oriental (chaldéen)
> Séparée aujourd’hui en deux juridictions (Bagdad et Chicago), l’Église assyrienne d’Orient rassemble entre 100 000 et 200 000 fidèles. La plus importante Église de cette famille demeure l’Église chaldéenne, unie à Rome en 1552 (1 million de fidèles, surtout en Irak).

> La tradition chaldéenne est présente en Inde avec l’Église malabare-catholique (6 millions de fidèles), unie à Rome en 1599, mais dont une partie des fidèles est revenue en 1907 dans la juridiction de l’Église assyrienne.

             Site du journal de la Croix                                                                        la Croix du 24.05.2008