La Libération de Steinbach
4 février 1945

A partir de divers documents et des témoignages de nombreux Steinbachois, Christine AGNEL, conseillère municipale, retrace la chronologie des 2 mois et demi qui ont précédé cette libération                               

 Novembre 44 :
Suivant l'ordre donné par Hitler, 2 mois plus tôt, de tenir à tout prix l'Alsace et la Lorraine,les Allemands consolident leurs positions. A STEINBACH, les tuteurs des vignes de la Cote 425 sont coupés pour consolider les nouvelles tranchées construites par les Allemands sur le terrain nivelé et défriché, entre octobre 41 et avril 42, par des prisonniers polonais.

19 novembre :
La 1ère Armée française entre en Alsace. Les troupes foncent à toute vitesse vers le Rhin d'une part et les Vosges d'autre part. Le soir du même jour. La 1° Division Blindée (commandée par le Général Touzet du Vigier) atteint le Rhin.

21 novembre :
MULHOUSE est libérée par la 1ère D.B. (les combats durent jusqu'au 26 novembre)


Pour Cernay, STEINBACH, Uffholtz et Wattwiller, verrou sud de la poche de Colmar, la longue et douloureuse attente de la libération commence.
Cernay est considérée par l'état major allemand comme un verrou stratégique de la zone  sud de la poche de Colmar. En effet, adossés aux Vosges, Cernay, STEINBACH, Uffholtz et Wattwiller forment un ensemble défensif redoutable dont les points élevés offrent à l'ennemi de solides positions permettant de surveiller les mouvements des troupes françaises. Les anciens bunkers de 1914 et des champs de mines, indétectables, renforcent ce dispositif défensif.

23 novembre :
STRASBOURG est libérée par la 2e D.B. commandée par le Général Langlade


28 novembre :
En riposte à des tirs allemands, les premiers obus français, tirés d'Aspach, tombent sur STEINBACH. Pendant 2 mois, des bombardements journaliers ne cessent d'accumuler les ruines et de semer la mort parmi la population civile.
Ce jour là. en cherchant à gagner la cave du presbytère, Elizabeth SCHEIDLER a une jambe sectionnée par un éclat d'obus. Elle décédera le 30/11. Elle est la 1ère victime civile de STEINBACH.
Les villageois cherchent abri dans les caves. Certaines familles se regroupent et se réfugient dans la cave de la mairie-école, du presbytère, de la villa Rollin et de la famille Eglinger (en face de la mairie). D'autres familles se réfugient dans les anciennes mines du Silberthal et du Schletzenburg ou dans les grottes des Sables Rouges.

30 novembre :
Le Generalmajor Burcky prend le commandement de la 159e Infanterie Division, qui fait partie de la 19e Armée Allemande, commandée par le Général Rasp.
 

                                                                      Paroles de Steinbachois

  Novembre 44 :
  « Après la 1ère guerre mondiale, la Cote 425 avait été laissée à l'abandon. Une cinquantaine de  prisonniers polonais travaillaient sur la Cote 425 sous le contrôle d'un ingénieur agronome  Ils construisaient des murets et creusaient des fossés (dont beaucoup ont malheureusement disparu) pour l’écoulement de l eau. Une fois te terrain défriché, des femmes plantaient des pieds de vignes Cela leur procurait un revenu. ». «  Les Polonais, divisés en 2 groupes,  étaient hébergés dans 2 cafés-restaurants du village et surveillés par des sentinelles allemandes postées à l'extérieur ».

  21 novembre :
 « On entendait les canons français tonner vers Belfort et Mulhouse et on voyait que l'armée allemande se repliait. On ne comprenait pas pourquoi les Français n'arrivaient pas plus vite »
« Lors de leur repli, des Allemands cantonnaient un jour ou deux dans le village. Parmi eux, il y avait des Mongols pro allemands qui ont vidé quelques tonneaux de vin et ouvert quelques conserves. Apparemment, ils n'aimaient pas le lapin, mais pour nous c'était des conserves de perdues. »

  28 novembre :
 « Les gens étaient terrorisés. Les plus âgés étaient encore traumatisés par la guerre 14-18  » « Peu de maisons du village possédaient une cave (maisons Reitzer, Gasparina ...) ». « Pendant la 1ère guerre le village avait été presque entièrement détruit. Les habitants avaient reconstruit leur maison avec des caves au ras du sol, parce qu'ils n'avaient pas les moyens de faire creuser de vraies caves et parce qu'il n'y avait pas d'écoulement possible.»                                                   
 Peu à peu la vie s'organise dans les caves, mines et grottes.....
 Les grottes des Sables Rouges hébergeaient une vingtaine de personnes ; les caves en contenaient souvent plus de trente.
 « Le soir, on se compte, avant de s'endormir sur des sacs de pommes de terres ou de betteraves »ou« sur des bottes de paille ». « J'ai dormi sur 3 chaises alignées ; d'autres personnes dormaient sur des tables »
 « Nous dormions sur des planches, au dessus de 30 cm d'eau car le fond de la cave était inondé »
« Les beaux livres, les lustres, la belle vaisselle, l'argenterie, quelques habits chauds, le linge étaient rangés dans la cave. Les fenêtres de la cave et la porte étaient obstruées par des planches et protégées par des sacs de sable. Nous n'avions ni électricité, ni chauffage, simplement l'eau du puits et des chandelles. Les beaux meubles étaient démontés dans les pièces du haut recouverts de couvertures et de draps. Hélas tout cela pour rien ! Tout a été
détruit !»
« Au début on pensait ne rester dans les caves qu'une quinzaine de jours, jamais 10 semaines ! »
« A la lueur des lampes à carbure ou des bougies, on joue aux cartes, on bavarde, on se chamaille, on tricote, on coud ; des jeunes filles confectionnent leurs costumes d'Alsaciennes ....en prévision du jour de la libération. On cuisine quand cela est possible. Sinon, profitant d'une accalmie, on rentre chez soi cuire quelque chose que l'on mange ensuite à la cave ».
Les troglodytes des Sables Rouges ne pouvaient faire du feu que le soir car, à plusieurs reprises les fumées avaient attiré les tirs des français.


Les témoignages divergent au sujet de la position de certains canons allemands et de leur nombre. Cela peut s'expliquer par le fait que les Allemands déplaçaient certains canons lorsqu'ils avaient été repérés par les Français

• 1 canon au lieu-dit KIopfert. Le jour de son installation, la sentinelle fut abattue par un franc tireur.
• 4 canons fixes se trouvaient rue du Vieil Armand. Ils furent les derniers évacués.
• un canon de 110 tout neuf, cadeau de Noël de Himmler, dans un pré en haut de la rue du 152e RI. Il tira moins d'une
  vingtaine de fois avant d'être détruit par un obus qui tua plusieurs soldats allemands.
• 1 canon de 150 au-dessus du parking supérieur du plateau sportif et des petits canons de 110 sur le parking actuel
    des HLM.
• 1 batterie de 4 canons (ou 1 seul gros canon ? ) sur la chemin de la Rivière, derrière l’usine Rollin.• 3 canons de
   110, mobiles, près de la ferme Ineich, rue du Seelacker.
 


4 décembre
Affaiblie par des réductions d’effectifs et par suite d’équipement insuffisant,la 159° ID est sur la défensive. L’artillerie est regroupée dans la zone de Steinbach-Cernay.                 
Une unité s’installe à Steinbach. Son PC est la maison de la famille Waldner, l’ancienne poste. Le Général Burcky a retiré son PC de Thann et s’est installé à Wattwiller.
Ce jour là, l'artillerie allemande, dissimulée à différents endroits du village tire sur la ligne de front des Alliés, qui ripostent. Le bombardement, intense, dure plusieurs heures et fait de nombreuses victimes parmi les villageois et les Allemands. La cloche de l'église sonne pour annoncer le décès de : Martin BESSEY, fermier, Emile GOERGLER, valet de ferme. René KOCH, l'organiste du village, tous tués par des éclats d'obus. Jeanne BLOSENHAUER, grièvement blessée à la tête par des éclats d'obus dans la cave Eglinger, décédera 9 jours plus tard.

 10 décembre :
THANN est libérée par les Tirailleurs Marocains

 Décembre 44 :
le Reichsführer SS H.HimmIer est désigné par Hitler pour superviser le 'Groupe d'Armée du Rhin Supérieur' et galvaniser la résistance allemande dans la poche de Colmar. Il se rend à Wattwiller, siège des PC du verrou de Cernay. C'est alors qu'apparaissent, sur les murs de quelques maisons de STEINBACH, des slogans de la propagande nazie, destinés davantage à redonner courage aux Allemands qu'à convaincre les villageois.
 

 Paroles de Steinbachois 

 « Au début, on n'a pas vraiment souffert de la faim. Il restait des vaches pour le lait. Quand le bétail était tué par des éclats d'obus, cela fournissait de la viande à n'en plus finir. Les récoltes avaient été faites et stockées à la cave en prévision des jours difficiles. Jamais les caves n'avaient été aussi pleines de provisions. Carottes, choux, pommes de terre, pommes, confitures, fruits en bocaux, lapins stérilisés, tonneaux de vin...  ». «  Des oies, convoitées par les Allemands et destinées à terminer en pâté pour l'occupant avaient été cachées sous des planches dans une cave». « On n'a jamais aussi bien mangé ! ». « II ne manquait que le pain qu’il fallait aller chercher à Cernay. C'était dangereux ; il fallait suivre la route (et donc rester à découvert) car les prés étaient minés, ou marcher dans les fossés gelés qui bordaient les 2 côtés de la route (on s'est souvent aplati dans les fossés en entendant siffler les obus). Souvent une ou deux personnes seulement descendaient ravitailler toute une cave en pain. Parfois, elles partaient avant le lever du jour pour ne rentrer qu'à la nuit tombée, passant la journée à Cernay. Là, il fallait faire la queue et on avait du mal à trouver du pain ».
Bien sûr, l'ambiance et les ressources variaient de cave en cave. Pour certains, « Au fond, pour vraiment dire la vérité, c'était presque une période heureuse. On était comme une famille, on s'entr'aidait on se comprenait. On a ri peut-être plus qu'avant ».

  4 décembre :
 « Le soir, 2 soldats, un enrouleur avec les fils électriques sur le dos, étaient chargés de contrôler la ligne téléphonique de Steinbach à Wattwiller pour empêcher qu'elle ne soit cisaillée »
« Des officiers allemands mais aussi Tchèques, Autrichiens ou du pays de Bade étaient logés chez 1 habitant ». Des relations "humaines" s'instaurent « Ils en avaient plein le dos ! Ils savaient que c'était fini pour eux ». «  Nous avions chez nous un officier allemand qui avait une petite fille de mon âge et se montrait très gentil envers moi. Après la guerre, il m'envoya même un cadeau ».

Déc-44 :
«  II y avait des villageois qui étaient pour les nazis.  Ils avaient la carte de membre et la  rosette du  NSDAP ( National Sozialistische Deutscher Arbeiter Partei ). Les personnes qui avaient des fonctions officielles comme le maire par exemple, ou l'instituteur, étaient eux obligés de porter cet insigne. » Le maire M.Henri Blosenhauer, avait été désigné par les autorités allemandes. Au-dessus de lui il y avait l’Ortsgruppenleiter, un Steinbachois, également nommé par les Allemands. « Sentant le vent tourner il a pris la fuite vers la fin de l'année 44 ». Par contre, dans le compte rendu de l'un des premiers conseils municipaux réunis après la libération, « Le conseil constate que M. Henri Blosenhauer a agi pour le mieux des intérêts de la Commune et que malgré sa situation difficile vis à vis des autorités allemandes il a rendu de nombreux services aux habitants de Steinbach ».        

    Les inscriptions encore visibles sur les murs de Steinbach, 60 ans après!


15 décembre
 Le front est calme. Les Allemands en profitent pour poser des mines sur et devant la ligne de front et pou
r renforcer plusieurs postes de verrouillage en montagne.

 25 décembre
Noël calme. Sa messe de minuit a été célébrée dans la cave du presbytère                             .

 Janvier 45
La guerre est devenue le quotidien des habitants de STEINBACH: tirs d'armes semi-automatiques, bombardements et dégâts de plus en plus
  nombreux                                                                            

 7 janvier
Le temps est exécrable. Il commence à neiger et la plaine est bientôt recouverte d’une couche de neige qui, par endroit, dépasse 1 mètre. Cet hiver rigoureux est le meilleur allié de l’ennemi : il paralyse le fantassin, le blindé, l’avion, même le mulet, précieux élément des régiments de tirailleurs, et rend difficile le suivi de la logistique. Selon le Général Rasp, commandant la 19° Armée allemande : « Qui gagnera cet hiver gagnera la guerre ». L'ennemi ne croit pas à l'imminence d'une attaque. La stagnation de la situation, sans entamer le moral des STEINBACH0IS, éloigne l’espoir d'une libération rapide et proche.

15 janvier
Le Général De Lattre de Tassigny signe l'ordre d'opération n° 109/DP3, Instruction  Personnelle et Secrète n° 7 pour les généraux Béthouart et de Monsabert, commandant respectivement les 1° et 2° Corps d'Armée : « Le général commandant l'Armée décide de déclencher sans délai et avec tous les moyens dont il dispose, l'offensive visant a réduire totalement le pont d'Alsace ».

 17 janvier
L’opération est montée au PC de la 2° Division d'Infanterie Marocaine, commandée par le Général Carpentier, et de la 4° Division Marocaine de Montagne (faisant partie du 1er Corps d'Armée), commandée par le Général de Hesdin. Les Commandos d’Afrique se voient confier une tâche bien précise et difficile: faire sauter le verrou de Cernay, STEINBACH, Uffholtz, Wattwiller.
Dans la nuit du 17 au 18, Jean Jules CHEVRIER, garde forestier à Cernay-STEINBACH fait passer les lignes françaises à un groupe d’une dizaine d’hommes (réfractaires alsaciens et déserteurs allemands de la Wehrmacht), en partant de la mine du Dunterloch (Donnerloch)  pour arriver à Bitschwiller.
                                                                                                                                      
 20 janvier                                                                                                                                                       
A 7 h 55 : Les troupes françaises déclenchent une offensive générale visant à réduire  totalement la poche de Colmar et à prendre Cernay pour s’ouvrir le débouché au nord de la Thur. Dans un vent glacial et des tourbillons de neige, les hommes de la 4° DMM et de la 2° DIM s'élancent et remportent d'importants succès (asile de St André et voie ferrée Cernay-Mulhouse. Chaque pouce de terrain est défendu par les Allemands, au prix de combats acharnés. A STEINBACH, le général de Hesdin est grièvement blessé par l'ennemi au pied de la Cote 425 lors d'une inspection des avant-fronts. Il est remplacé par le général Bondis. STEINBACH continue à subir des bombardements quotidiens.

Jean- Baptiste WITZBERGER est tué, dans sa maison, par éclats d’obus.
 

                                            Paroles de Steinbachois   

25 décembre :
« Les Allemands fêtent dignement Noël : sapin, vin chaud, gâteaux, café et " chocolat du Führer " . L'après-midi, ils sont descendus à la cave nous apporter du vin chaud, du café, du chocolat (des friandises que nous ne connaissions plus) ». « Le café était rationné et, le plus souvent, ce que nous appelions café n'était que de l'orge grillée dans une poêle ».« Dans notre cave, nous avions un sapin avec des bougies (il y en avait toujours en réserve) et des gâteaux ».

 Janvier 45 :
« Les 15 derniers jours, il ne restait plus grand chose à manger. Dans les caves dont les vitres avaient été soufflées, les provisions avaient gelé ». « Quatre semaines nous sommes restés dans la cave, sans aller aux provisions, sans lait, sans pain, sans viande, sans sortir à l'air. Aujourd'hui, je me demande de quoi nous avons vécu et quelle force de vivre nous avions ! ».

17 janvier :
«  II restait peu d'hommes dans le village.  Les hommes jeunes et valides étaient partis à la guerre, incorporés dans l'armée allemande ; même de jeunes garçons avaient été appelés avant leur classe d'âge ». « Plusieurs familles dont le mari ou un fils avait fui en France libre vivaient dans l'angoisse d'être embarquées par " la camionnette verte " et d'être déportées  ».
 

20 janvier au 9 février : Bataille de la POCHE de COLMAR

Lent et pénible grignotage de positions par les troupes françaises, causant de très durs combats sans résultats importants. De part et d'autre, les pertes sont lourdes et les combattants épuisés.

 21 janvier
La 4° DMM attaque. Le 1er R.T.M. (Régiment de Tirailleurs Marocains) et le 1er R.T.A. (Régiment de Tirailleurs Algériens) ont pour mission d'envelopper Cernay par le Nord c'est-à-dire par STEINBACH - Uffholtz - Wattwiller, à partir de la Waldkapelle, sur le Herrenstubenkopf. C'est le plus violent assaut de la bataille de Cernay (185 morts et 193 blessés parmi les commandos d'Afrique pour cette seule journée). Le temps est de plus en plus exécrable. Partout, l'ennemi a durci sa défense. Le Reichsführer Himmler  souligne les résultats lamentables obtenus par les tireurs d'élite allemands dans le Haut-Rhin et les incite à plus de combativité.                                     

Pour les habitants de STEINBACH, les conditions de vie sont de plus en plus pénibles.

23 janvier
 Malgré l’organisation terriblement efficace de l'ennemi, la neige, le froid et les pertes humaines subies, les troupes françaises sont à distance d'assaut du verrou sud de la poche de Colmar : Cernay, STEINBACH, Uffholtz, Wattwiller.

 25 janvier
A STEINBACH, les Allemands se replient sur une ligne allant des hauteurs ouest du village à la bordure ouest de Cernay. Terrée dans les caves ou les grottes, la population a du mal à se faire une idée précise de la situation militaire et parfois même de ce qui se passe dans le haut ou le bas du village.
 

                                                                 Paroles de Steinbachois 

25 janvier
"Certains soldats Allemands pleuraient en quittant Steinbach, surtout parmi les jeunes. Ils partaient vers l'AmseIkopf où les Allemands avaient beaucoup de morts».                                           
« On n'osait guère s'aventurer dehors de crainte des obus ». Mais dans certains cas « on continuait à

vaquer à ses occupations, s'occuper des bêtes, chercher du bois, et on ne rentrait s'abriter que pour la nuit. « Monsieur Charles Jung, chef du Corps des Pompiers de Steinbach, aidait les uns à réparer leur

maison, les autres à surveiller leurs biens ».  « Les hommes qui n'avaient pas été incorporés dans l’armée allemande étaient réquisitionnés au service des Allemands. Ils m'imposaient d'aller en voiture a chevaux chercher des munitions, du fourrage et de la marchandise à St André où se trouvait un camp de formation, d'entraînement et d'enrôlement dans les Waffen SS».              

Des jeunes vadrouillaient aussi, mais évitaient de s'aventurer en forêt après l'épisode tragique du maquis de la Waldkpellle.
La nuit, malgré le couvre-feu, on sortait quelquefois pour aller prendre des nouvelles de la famille ou des amis dans les autres caves. Des fois, on allait à la maison prendre quelques affaires, récupérer du bois pour alimenter les poêles dans les caves et vérifier s'il n'y avait pas de pillages ».
 

29 janvier :
Mise en place d'un dispositif pour faire sauter le verrou de Cernay par une manœuvre en tenaille: le 1er RTA venant de l'ouest de Vieux Thann, le 6e RTM du sud vers le nord. L'opération démarre à 7h. Les Marocains du 6e RTM s'emparent de l'Ochsenfeld mais le 1er RTA est refoulé à la Cité Baudry. Après de durs combats, l'Armée française s'empare de la Cote 425 à STEINBACH

30 janvier :
La bifurcation de la  route Vieux-Thann-Cernay et  STEINBACH-Uffholtz, dont le 3e Bataillon du 1er RTA. a pour mission de s'emparer, est prise sous le feu de tirs d'armes automatiques et de tireurs d'élite allemands.

Plusieurs blessés français attendent les premiers soins au PC de la compagnie, installé prés de la maison Armbruster, sur le ban de STEINBACH.    
Ignorant le danger, le médecin capitaine Pierre Mourier, du 3e Bataillon, portant le brassard de la Croix Rouge, sort du véhicule sanitaire, lui aussi très facilement identifiable, et se met à soigner les blessés. 5 minutes plus tard, il est tué d'une balle en pleine tête par un  tireur d'élite. Il avait 32 ans. Il sera décoré de la Croix de la  Légion d'honneur à titre posthume.  Il  repose à la nécropole militaire de Sigolsheim. Le 4 févier 2005, Cernay a baptisé le nouveau pont de la Thur «  Pont du médecin capitaine Pierre Mourier ».                      

 2 février :
COLMAR est libérée par la 5e DB (commandée par le Général de Vernejoul ) et les fantassins US . Le débordement au Nord Est de Cernay s'accentue. Le front allemand s'effondre devant la 1ère Armée Française.

 3 février :
Les tirs d'artillerie augmentent sur Cernay mais cessent pratiquement sur STEINBACH.

Certains villageois pressentent qu'il va se passer quelque chose, une attaque française d'envergure, à la fois attendue et redoutée.

Nouvel obstacle : le dégel transforme la Thur en un fleuve tumultueux de 60 m de large et il n'y a plus de ponts pour la traverser.

Dans la soirée et pendant la nuit, la 159° ID allemande décroche en hâte de Cernay,Uffholtz, STEINBACH et Wattwiller en direction de Bollwiller pour éviter un encerclement des unités du 1er corps, la 4e DMM et la 2e DIM.
 

                                                         Paroles de Steinbachois  

03 février :
Tous les témoignages insistent sur le calme qui régna ce jour là. « On se disait : II va se passer quelque chose ».
« Les pièces d'artillerie avaient été retirées. Du couloir, j'ai entendu un officier allemand dire : un ordre, c'est un ordre ». « Dans la soirée, les Allemands vêtus de leur tenues blanches de camouflage, sont partis en colonne, emportant leurs blessés et leurs canons ».
 


Dimanche 04 février :
Entre 3 et 4 h du matin, la Werhrmacht fait sauter plusieurs ponts dont 2 du Steinbachruntz, sur le ban de STEINBACH.

A 4h du matin, des patrouilles lancées à l'Ouest de Cernay ne trouvent plus de contact: l'ennemi fait retraite

Vers 8h, le 6e RTM entre à Cernay par le sud et le 1er RTA occupe la cité Baudry puis coupe à gauche sur STEINBACH, Uffholtz, Wattwiller.


Entre 9 et 10h, STEINBACH est libéré par le 1er RTA.
Le 1er R.T.A ne fait que traverser STEINBACH avant de foncer sur Soultz, Guebwiller et Rouffach. Selon le plan du Général Bondis, le 1er RTA et la 4e demi-brigade de chasseurs, sous les ordres du colonel Guenin, sont chargés de couvrir le flanc gauche de la division et de boucler la route des Crêtes à STEINBACH et Uffholtz.



 Steinbach est enfin libéré
après 5 années de cauchemar.    


Le 19 février 1945, «  le conseil municipal de Steinbach, dans sa première séance tenue après la libération, exprime sa reconnaissance et celle de la population au Général de Gaulle, chef du gouvernement provisoire de la République Française, et à la 1° Armée Française.
 

                                              Récit composé à partir de différents témoignages.

 Dimanche 04 février :
 « Environ 2 heures avant l'arrivée des troupes françaises, un drapeau blanc a brièvement flotté sur le clocher de l'église. C'était risqué car les Allemands n'étaient pas encore tous partis ».

   C'est un matin calme. La neige commence à fondre. Des fidèles se rendent à la cave du presbytère où Monsieur le curé Dornstetter célèbre la messe. Vers 10h, la nouvelle se répand : « Les Français arrivent » Monsieur le Curé écourte son sermon pour voir les libérateurs. Craignant des combats et des victimes la plupart des habitants restent chez eux ou dans les caves et, finalement, peu de Steinbachois assistent à l’arrivée d'une poignée de soldats algériens, emmitouflés. Menés par un lieutenant alsacien, ils remontent la rue de la Loi, passent devant le Monument aux morts puis avancent dans la Grand' Rue en colonne rasant les murs, fusils pointés, inquiets de savoir s'il reste des Allemands. De fait, du haut du village des fuyards retardataires tirent quelques coups de feu pour protéger leur fuite. Il n'y aura aucune victime.

Un habitant du village indique aux soldats français le chemin à prendre.

  D'autres troupes françaises arrivent de Vieux-Thann par la Cote 425, accompagnées de mulets chargés de matériel. Au Monument aux Morts, une altercation s'élève entre pro-nazis et pro-français. L'officier français calme les esprits. C'est sans violence que STEINBACH est libéré. Peu à peu, les villageois, d'abord craintifs, sortent des maisons, des caves et des grottes où ils se terraient et laissent enfin éclater leur joie. Un soldat offre une savonnette parfumée à une jeune fille, les enfants reçoivent du chocolat les hommes des cigarettes et des rations de gâteaux secs. Pour certains habitants, occupés à fouiller les restes de leurs maisons à la recherche de quelque chose à sauver, l'arrivée des libérateurs passera presque inaperçue.

  Le même jour, un habitant de Steinbach, dénoncé comme collaborateur, est arrêté et emmené à Cernay. II  est abattu le lendemain, dans un chemin creux d'UffhoItz. Tentait-il de s'évader, en pantoufles et sabots ou a t'il été exécuté ? Tous les témoignages s'accordent à reconnaître que « Ce n'était pas un mauvais bougre ! ».

Deux jours plus tard, d'autres troupes françaises et nord-africaines s'installent à Steinbach. L'école est réquisitionnée. Les soldats partagent leurs denrées alimentaires américaines avec les habitants : un jambon au goût inhabituel, des pommes de terre en petits carrés secs. Ils ne sont pas insensibles au charme des jeunes Steinbachoises qui, vêtues du costume traditionnel, posent avec eux sur les photos Après quelques nuits passées chez l'habitant, les soldats repartent, acclamés cette fois par tous les villageois sortis pour les saluer. 
                                                                                             

Pendant longtemps, les STEINBACH0IS subiront les séquelles de ces mois d'épreuves:

chagrin à la perte d'êtres chers, dépressions, angoisse en entendant des bruits qui rappellent la guerre (sirène de l'usine Rollin , avions volant bas), conditions de vie difficiles dans des maisons détruites ou des baraquements en bois (souvent montés près des maisons en ruines). Certaines familles sont provisoirement relogées à l'école.

STEINBACH  a été particulièrement touché (pratiquement quotidiennement) par l'artillerie française durant les mois de résistance de l'armée allemande.  Plusieurs maisons ont été entièrement détruites. Presque toutes les maisons, ainsi que l’église et l'usine Rollin, ont été plus ou moins endommagées.                                          
                   Selon les chiffres communiqués après la guerre par le Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme, STEINBACH a été détruit à 41% (contre 32% pour Uffholtz, 25,5% pour Cernay
et 12,4% pour Wattwiller)
 

   

Paroles de Steinbachois

Après la libération :

« Que des tas de gravats, cave sans porte, plus de vitres, plus rien à manger. Il faut vivre sans eau, sans gaz, sans rien ».
 

STEINBACH n'échappa pas à l'épuration. L'administration allemande fut remplacée par un groupe de FFI plus ou moins bien acceptés par les villageois car, comme partout ailleurs, si certains étaient d'authentiques résistants, d'autres étaient 'des héros de la dernière heure'. Une habitante du village faillit être tondue. Avec l'accord de M. Rollin, le groupe de FFI s'occupa pendant quelques semaines de l'administration de la commune.

 La liste des victimes civiles de STEINBACH ne s'est pas arrêtée à la Libération. Beaucoup de chemins, de champs, de prés, de parcelles de forêt étaient minés. Il y  avait par exemple un champ de mines près de l'oratoire d'Ifis.

   Dans les mois qui suivirent la Libération,

  • Auguste FRIEDRICH et son fils Charles furent déchiquetés par une mine en allant rechercher des  conserves en
     contrebas de la Waldkapelle.

 • Joseph INEICH eut la tête et un bras arrachés en marchant sur une mine dans un  pré près de Cernay.

 • Louis BECHELEN fut tué après avoir roulé sur une mine avec son attelage à chevaux.

 • Henri ZIMMERMANN mourut en déportation.

 • Oscar BILWES avait été tué lors d'un bombardement de l'hôpital du Hasenrain à Mulhouse en mai 1944.

 • Le jeune Antoine SCHEIDLER, 14 ans, avait été tué, au début de la guerre, en manipulant des explosifs.

  Les victimes militaires de STEINBACH :

Antoine BENTZ, Antoine BOLLINGER, Albert BRENNER, Oscar BRENNER. Louis  BRUN, Léon GRIBLING, Aimé KESSLER. Alphonse KOENIG, Marcel KOLB, Henri  KUENEMANN, André LUTTENAUER, Louis ROTHENBURGER, André WILHELM,  Pierre ARNOLD, François BECHELEN. Albert BENTZ, André BRUN, Auguste BRUN, François BUCHBERGER, Alexandre HEINY, Edmond LUTTENAUER, André MULLER, Pierre WALTER et Lucien LUTTENAUER.

                             22 de ces 24 victimes ont combattu et sont mortes sous l'uniforme allemand.
       


 REMERCIEMENTS

Mes plus vifs remerciements :

• à M. André WALDNER qui a spontanément mis à ma disposition les nombreux documents à partir desquels j'ai tenté de reconstituer cette chronologie.
• à M. Claude GRIBLING qui m'a permis d'utiliser certaines photos tirées de son ouvrage : « La libération de Steinbach vue par un enfant de sept ans »
• à Mesdames Marguerite ALBINI, Viviane BLOSENHAUER, Angèle CAVALLINI, Marie FLURY, Léonie HIGELIN, Laure MICHEL-BEH, Marie-Lucie REITZER ainsi qu'à Messieurs Fernand DEGEN, Robert HAAS, François MURER, Raymond NAEGELEN, Fernand SCHWEITZER et André WALDNER pour leurs témoignages et le prêt de photos.
II existe peu de photos de cette période : Les  Allemands interdisaient d'en prendre et rares étaient les personnes qui possédaient des appareils photos ; de plus, les pellicules étaient difficiles à trouver à l'époque.

                                                                                                       Christine AGNEL        (Bulletin municipal 2005)



Le dimanche 1 avril 1945, Steinbach célèbre 
"
la Fête de la Libération."

Les maisons pavoisent. Des croix de Lorraine ont été cousues sur les drapeaux. Le Monument aux Morts est décoré d'une croix de Lorraine et de branches de sapin.

Un cortège s'organise avec, en tête, des jeunes filles en costume traditionnel entourant le maître, M.Rollin. Dans l'euphorie générale, un petit Napoléon, monté sur un cheval blanc, défile dans les rues.
 



Défilé avec M Yvan ROLLIN

Napoléon devant le monument
aux morts

   

Le monument aux morts en 1939, avec le diable rouge

Le même en 1945 avec la croix de Lorraine
( les nazis ont ôté le diable rouge)