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La Thur coulait dans la prairie Sous les saules, près de Cernay, Où l'on voyait un incendie Dont la flamme tourbillonnait. A gauche, autour d'une chapelle, Sur la croupe d'Uffholtz, des trous, Et les lignes où maintes pelles Travaillaient chez eux et chez nous. Et plus près, le pauvre village Que nous tenions depuis deux mois, Steinbach, montrait le grand ravage Fait par mille obus dans ses toits. Plus d'une muraille était noire Et le clocher portant sa croix, Aussi percé qu'une écumoire, Tenait par miracle, je crois. Sur la croupe, parmi les vignes, Quelques sombres terrassements Indiquaient la première ligne Où s'abritaient les Allemands. |
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Ils avaient des chevaux de frise Au milieu de leurs fils de fer. Plus à droite, une poudre grise Se profilait sur le ciel clair. Par quelque explosion puissante Jetée en l'air sur le talus, Elle ressemblait, menaçante, Aux canons braqués sur les buts. Et sur la pente rapprochée, A l'abri de ses parapets, On pouvait voir dans la tranchée Notre infanterie aux aguets. Leurs capotes par endroits vertes Leurs chapes de peaux de mouton De haut en bas étaient couvertes D'un rougeâtre et gluant béton. Car la tranchée était boueuse A tel point qu'ils devaient laver Leurs fusils dans l'eau limoneuse D'un tonneau, pour pouvoir tirer. |
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Devant la tranchée allemande Pourrissaient des cadavres gris. La distance n'était pas grande. Mais nul ne les avait repris. Et plus près, avec la lunette, Lorsque l'on savait les endroits, On voyait de façon fort nette Deux Français morts depuis un mois. L'un d'eux était comme une boule Au pied d'un petit cerisier Dont les rameaux s'étaient, en foule, Cassés sous l'ouragan d'acier. L'autre était tombé sur la face, A quelques pas de nos talus; Certes, on connaissait bien sa place, Mais l'avoir, on n'y songeait plus. Ses jambes en V, désunies, Portaient un pantalon vermeil, Et ses grandes bottes vernies Par instants brillaient au soleil. |