Le mercredi des Cendres

 Quarante jours avant Pâques, cette célébration marque l’entrée des catholiques dans le Carême, sous le signe de la pénitence et du pardon attendu de Dieu.

 Qu’est-ce que le mercredi des Cendres ?

 Ce jour marque l’entrée dans le temps du Carême, les quarante jours de préparation à la fête de Pâques. Il ouvre un temps de prière, de pénitence et de partage qui rappelle les quarante jours de prière et de jeûne vécus par le Christ au désert à l’orée de son ministère, ainsi que les quarante années passées au désert par le peuple hébreu lors de l’Exode. Le Carême est un temps de préparation particulier pour les catéchumènes qui recevront le baptême durant la veillée pascale, mais tous les chrétiens, avec eux, sont appelés à redécouvrir l’importance de leur baptême et donc de leur vocation chrétienne.

  Comment en est choisie la date ?

 Sa date est calée sur celle de la fête de Pâques, en remontant quarante jours avant le dimanche de Pâques en ne tenant pas compte des cinq dimanches dans l’intervalle, qui sont jours de fête. L’entrée en Carême se fait donc toujours un mercredi, mais sa date change selon les années en fonction de celle de Pâques, elle-même mobile.

 Que signifient les cendres ?

 Dans la tradition biblique, comme dans la plupart des religions antiques, les cendres symbolisent l’insignifiance humaine, son caractère éphémère et précaire. Ainsi, dans le livre de la Genèse, lorsqu’Abraham marchande avec Dieu le sort des villes de Sodome et Gomorrhe, il déclare : « Je suis bien hardi de parler à mon Seigneur, moi qui suis poussière et cendre »  (Genèse 18, 27). Dans la Bible, se rouler dans la cendre, se couvrir de cendres ou s’asseoir sur la cendre est un geste de pénitence et de conversion. Quand Jonas prêche aux habitants de Ninive pour qu’ils se convertissent, leur roi « fit glisser sa robe royale, se couvrit d’un sac, s’assit sur la cendre» (Jonas 3, 6). À la fin du Livre de Job, ce dernier regrette d’avoir critiqué Dieu et « dénigré la providence sans rien y connaître », et fait un acte de repentance et de foi devant sa face : « Je ne te connaissais que par ouï-dire, maintenant, mes yeux t’ont vu. Aussi, j’ai horreur de moi et je me désavoue sur la poussière et sur la cendre » (Job 42, 6).

 D’où vient cette célébration ?

 Les origines du mercredi des Cendres remontent à l’Église ancienne. Il existait alors un geste d’imposition des cendres appliqué aux pénitents, qui marquait leur entrée dans un temps de repentir en vue de la réconciliation, célébrée le Jeudi saint. À cette époque, le sacrement de réconciliation n’était célébré qu’une seule fois dans la vie. Considéré comme une « deuxième planche de salut »  pour le baptisé ayant commis une faute grave, il était précédé d’une pénitence particulièrement rigoureuse, marquée par la mortification corporelle. À partir du XI e siècle, le geste de l’imposition des cendres, inscrit dans un rite beaucoup moins rigoureux, a été élargi à tous les chrétiens en route vers Pâques.

 Comment ce jour est-il célébré ?

  La célébration a lieu dans la journée ou en soirée. Au cours de cette liturgie, les lectures bibliques insistent sur la repentance, la conversion, mais aussi sur la tendresse et la miséricorde de Dieu. L’imposition des cendres est accompagnée d’une phrase : « Convertissez-vous et croyez à l’Évangile »  (Évangile de Marc 1, 15), ou bien  « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière »  (cf. Genèse 3, 19).
« Cette formule ancienne, qui nous rappelle que nous sommes mortels, a peut-être été mal comprise, mais elle me semble particulièrement juste,
indique Frère Patrick Prétot, directeur de l’Institut supérieur de liturgie (ISL) de la Catho de Paris. Le Carême est un itinéraire de vie, parce que nous acceptons la mort. Il est une longue méditation sur le don de la vie par Dieu, par-delà la mort. On ne peut pas le comprendre si, comme c’est la tendance aujourd’hui, on évacue simplement la mort.» Pour Frère Enzo Bianchi, prieur de la communauté de Bose, la phrase  «Convertissez-vous et croyez à l’Évangile » enrichit ce rite ancien de significations nouvelles : « Recevoir les cendres signifie prendre conscience que le feu de l’amour de Dieu consume nos péchés. » Consumés par la miséricorde de Dieu, ils sont « de peu de poids ». Regarder ces cendres signifie confirmer notre foi pascale : un jour, nous serons cendre, poussière, mais destinés à la Résurrection (1).

 Comment se vit-il ?

  Sous le signe du jeûne, de la frugalité. « Il ne s’agit pas de souffrir, mais de retrouver la joie de s’alléger pour goûter le don que Dieu fait de sa vie », explique Patrick Prétot, rappelant l’invitation de saint Benoît à attendre la sainte Pâque « dans la joie du désir spirituel ». Le mercredi des Cendres est, avec le Vendredi saint, jour de jeûne et d’abstinence obligatoire dans l’Église catholique. En France, sa célébration reste très populaire. « Peut-être à cause de la
désaffection du sacrement de la réconciliation, il y a là comme une mémoire très profonde du besoin de pardon, analyse Patrick Prétot. La liturgie est très concrète, très sobre, très priante. Elle répond à un besoin spirituel profond. On touche le cœur du cœur de l’existence humaine : le sens de la mort, de la vie et du salut. »
                                                                                                                                                                                      
ÉLODIE MAUROT
 (1) Dans Donner sens au temps, reprenant ses méditations liturgiques parues dans La Croix (Bayard).
 
 

    Dans les autres confessions chrétiennes .

> « Les orthodoxes ont beaucoup de moments liturgiques en commun avec les catholiques, mais pas le mercredi des Cendres,
souligne le P. Vasile Iorgulescu, prêtre à Hœnheim (Bas-Rhin) et délégué régional à l’œcuménisme de l’Assemblée des évêques orthodoxes. Chez nous, l’entrée en Carême se fait de manière très progressive. » Le Grand Carême oriental compte sept semaines. Les deux premières, qui précédent le « véritable » Carême, sont un temps de préparation, au cours desquelles le fidèle supprime progressivement la viande, puis les laitages, pour se préparer au régime alimentaire particulier (à base de végétaux) qu’il suivra ensuite jusqu’à Pâques en signe de pénitence. L’entrée en Carême est vécue de manière plus intensive la 6e semaine avant Pâques :  « Durant cette semaine-là, nous commençons à avoir un calendrier liturgique plus intense. Les lectures bibliques encouragent la repentance, le pardon : nous lisons la parabole du Fils prodigue, celle du publicain et du pharisien, le passage de la Genèse sur le péché d’Adam, explique le P. Iorgulescu. Nous commémorons aussi collectivement les défunts, en prononçant leurs noms à chaque célébration. » Cette année, le pré­Carême a débuté le dimanche 8 février et le Carême proprement dit commencera le lundi 2 mars.
 
> Toutes les Églises protestantes ne pratiquent pas le Carême comme tel, mais certaines le font d’une manière très proche des catholiques. C’est le cas des luthériens : ainsi, l’inspection ecclésiastique de Paris propose depuis quelques années le geste de l’imposition des cendres au cours d’un culte régional. « Au début, nous avons hésité, mais il nous a semblé que ce geste avait un sens très fort, explique Marie-France Robert, inspectrice ecclésiastique. Nous le vivons comme un geste de pénitence, au cours d’un service qui invite à se placer en vérité devant Dieu. » Lors de cette liturgie, la prédication est assurée par un pasteur ou un laïc engagé dans une action de solidarité soutenue par la communauté durant le Carême. « Chaque année, nous soutenons un projet “au près” en France et un projet “au loin” orienté vers la mission, détaille Marie-France Robert. Cette année, nous aidons une association de réinsertion par l’art et un orphelinat en Égypte. » Les textes bibliques du mercredi des Cendres sont les mêmes que ceux de la liturgie catholique, mais les luthériens n’y célèbrent pas la Sainte Cène, « car nous sommes ce jour-là dans une démarche de pénitence et d’attente », indique Marie-France Robert.
 

          Site du journal de la Croix                                                                         à                                                                     La Croix du 21/22.02.2009