Quel avenir pour le christianisme ?    

Vingt siècles d’aventure chrétienne

Le christianisme naît du témoignage des premiers disciples qui ont reconnu en Jésus, mort et ressuscité, le Messie annoncé par les prophètes. Il est fait de deux millénaires de ruptures et d’ouvertures.


Quels événements marquent les débuts ?

Le christianisme s’apparente d’abord à un mouvement de renouveau du judaïsme, nourri d’attente messianique. Une poignée de disciples de Jésus proclament leur expérience pascale, recueillent ses paroles et partagent le pain en mémoire du crucifié qui leur est apparu ressuscité. Née en Judée, enracinée dans la foi et la culture juives, l’Église se développe très vite dans la culture gréco-romaine. De petites communautés de croyants – juifs ou non – se forment. Dès la fin du Ier siècle, son centre de gravité n’est plus Jérusalem, mais Antioche, Éphèse, Alexandrie et Rome. Les Évangiles ont alors trouvé leur forme définitive et les lettres de Paul circulent.
Au milieu du siècle suivant, le christianisme a rompu le cordon ombilical le reliant au judaïsme. La communauté a fixé ses rites, s’est structurée et dotée d’une hiérarchie. Confrontée aux controverses trinitaires mettant en cause la divinité du Christ, elle commence, avec les Pères de l’Église, à formuler des dogmes et élaborer une théologie, quitte à marginaliser certains courants. Quand les persécutions prennent fin, l’ascétisme remplace le martyre comme idéal de sainteté ; il donne naissance au monachisme qui, apparu au IVe siècle dans le désert d’Égypte, se répand en Occident. Pendant les premiers siècles, les cités, siège de l’évêque, ont été les lieux de rassemblement des communautés. Avec l’évangélisation des campagnes, celles-ci se structurent en paroisses. L’adhésion de l’empereur Constantin (274­337) à la foi chrétienne marque un tournant. Protecteur de l’Église, il donne l’impulsion décisive qui, en 380, sous Théodose, va faire du christianisme la religion officielle de l’Empire romain et impose un rapport nouveau entre Église et pouvoir politique.

Quelles évolutions au Moyen Âge ?

La première moitié de cette période longue de dix siècles correspond à un temps de consolidation et d’expansion. Le monachisme bénédictin y occupe une place de premier plan : au fil des siècles, les monastères s’impliquent dans l’Église, la société féodale, l’ordre seigneurial. L’œuvre missionnaire se poursuit. À la fin du Moyen Âge, la découverte de l’Amérique lui ouvrira un nouvel horizon. Le christianisme aura alors connu sa première grande rupture. En 395, les aléas de l’histoire ont en effet laissé face à face l’empire d’Orient, avec pour capitale Constantinople la grecque, et l’empire d’Occident, avec Rome la latine.
Les différences entre chrétiens d’Orient et d’Occident, politiques et culturelles, puis théologiques et liturgiques, vont se focaliser en 1054 sur deux questions (autorité du pape et nature du Saint-Esprit) et aboutir à un schisme. Ce dernier aurait pu être dépassé s’il n’y avait eu les croisades, avec leur cortège de massacres, envenimant pour des siècles les relations entre les « deux poumons» chrétiens, mais avec juifs et musulmans. Cette rupture n’empêche pas la chrétienté d’être, au XIIIe siècle, à son apogée. C’est le temps des cathédrales, des sommes théologiques – dont celle de Thomas d’Aquin – et des premières universités. Des hérésies surgissent, contrées par la répression mais aussi par la naissance des ordres mendiants, principalement les franciscains, fondés par François d’Assise (1181-1226) et les dominicains de Dominique de Guzman (1170-1221), qui, attentifs aux pauvres et rompus à la prédication, opèrent une révolution évangélique. La voie mystique, développée dans les Églises d’Orient, prend aussi son essor en Occident.

Quelles questions apportèrent les temps modernes ?

Au début du XVIe siècle, Luther (1483-1546) dénonce l’immoralité des prêtres, l’autoritarisme de Rome, le système des indulgences qui laisse croire aux fidèles qu’ils peuvent acheter leur place au Paradis, mais aussi il propose une nouvelle manière de parler de Dieu comme salut et miséricorde. Excommunié en 1521, il est la figure emblématique de la Réforme qui, en un quart de siècle, s’étend en Europe. En Angleterre, le roi Henri VIII donne naissance à l’Église anglicane, à mi-chemin entre catholicisme et protestantisme. Le renouveau catholique se fera avec la Contre-réforme: éclosion de nouveaux ordres religieux – notamment la Compagnie de Jésus, fondée par Ignace de Loyola – et mise à jour des anciens, travail du concile de Trente (1545-1563) pour réagir aux points de controverse avec les protestants (rôle de Dieu et de l’homme dans le salut, rapport entre Écriture et Tradition, sacrements, caractère hiérarchique de l’Église). Une lutte fratricide a opposé protestants et catholiques, doublée d’une compétition sur le terrain de l’évangélisation.

Comment le christianisme vit-il les bouleversements des deux derniers siècles ?

Trois papes successifs illustrent le difficile dialogue entre le monde moderne et l’Église catholique. Pie IX promulgue le Syllabus , une liste des «80 erreurs contemporaines » ; Léon XIII, à l’inverse, s’attaque à la question sociale avec l’encyclique Rerum novarum (15 mai 1891) ; Pie X condamne « le modernisme » et fait entrer la théologie dans une ère de glaciation.
Au XXe siècle, le concile Vatican II (1962-1965) réalise une nouvelle mise à jour. Externe : c’est le changement du rapport de l’Église au monde. Interne: c’est la réforme de l’Église, l’apport essentiel se cristallisant dans sa définition comme « peuple de Dieu ». Durant la même période, l’exégèse historico-critique modifie la lecture des textes sacrés; de nouvelles figures de sainteté vont être reconnues pour leur humilité ou leur voie d’enfance spirituelle; la mission évolue, mettant l’accent sur l’inculturation de la foi et le partenariat Nord-Sud. Enfin, le pentecôtisme, né aux États-Unis au début du XXe siècle, va jouer un rôle considérable de renouvellement spirituel, dans le monde protestant comme dans le monde catholique.
                                                                                                                                                              MARTINE DE SAUTO

 

 

À la recherche de rapprochements entre croyants

> L’œcuménisme
Depuis les déchirures du XIe siècle avec l’Orient et du XVIe au sein de l’Occident, des initiatives ont voulu remédier à la séparation des confessions chrétiennes. Au X Xe siècle, la conférence missionnaire protestante d’Édimbourg (1910) marque le coup d’envoi de l’œcuménisme contemporain ; des délégués de ce qui ne s’appelle pas encore le « tiers-monde » y déplorent que les missionnaires se préoccupent plus de leurs querelles de chapelles que de l’annonce de l’Évangile. Le Conseil international des missions naît en 1921. Le second défi viendra avec la Première Guerre mondiale qui voit s’affronter des chrétiens de toutes confessions. Ce contre-témoignage suscite les conférences de Stockholm sur « le christianisme pratique » (1925) et de Lausanne sur « la foi et la constitution de l’Église » (1927). Dernier défi : les idéologies et les régimes totalitaires entraînent, en 1948, la création du Conseil œcuménique des Églises (COE) qui permet de passer d’un élan porté par des individus à un mouvement porté par des Églises comme telles. Depuis, l’œcuménisme s’est imposé comme l’une des dominantes du christianisme contemporain. Les Églises travaillent à apurer les contentieux et les théologiens à éliminer les points d’achoppement. L’Église catholique, qui n’est pas membre du COE mais participe à ses travaux, s’est investie dans des dialogues bilatéraux fructueux, notamment avec les anglicans, les luthériens, les orthodoxes et les Églises non chalcédoniennes. Son engagement irréversible pour l’unité est scellé par l’encyclique Ut unum sint de Jean-Paul II (1995).

> Le dialogue interreligieux
Le COE, d’une part, et Vatican II pour les catholiques, d’autre part, ont été déterminants pour le dialogue judéo-chrétien. Le passage consacré aux juifs dans la déclaration conciliaire Nostra ætate sur les religions non chrétiennes tire un trait sur des siècles de persécution et de mépris. Jean-Paul II a beaucoup fait pour approfondir ce dialogue qui, selon l’organigramme romain, est du ressort de l’œcuménisme. Un passage du même document rend témoignage à la foi des musulmans. Jean-Paul II n’a cessé de creuser le sillon du dialogue islamo-chrétien au cours de ses voyages apostoliques dans le monde. Avec la rencontre d’Assise, organisée en 1986 à son initiative, a pris forme un dialogue interreligieux multilatéral qui ne porte pas sur la foi, mais vise un témoignage commun sur le refus de la guerre, le respect des droits de l’homme, la préservation écologique de la planète.
                                                                                                                                                                                                            M. DE S.

                 Site du journal de la Croix                                                               La Croix du 17.11.2007